20 novembre 2008

Prologue Tome 1

Prologue

Alger, Octobre 1962.
-Slimane ! Hé Slimane !
L’homme interpellé était de petite taille, le front dégarni, la joue gauche tailladée par une vieille balâfre. Il était tout de bleu vêtu, pantalons et blouson jean.
Comme toujours !
Il se retrourna vivement, sur ses gardes, presque aux aguets.
Comme toujours !
-Bézouiche ! Répondit-il, à voix basse, mais gutturale, à peine perceptible, dans un Square Bresson grouillant de monde. Un monde interlope. Un monde familier depuis toujours à Slimane.
Attablés au Tontonville, Slimane et le jeune homme, qui ne s’étaient plus revus depuis 1958, échangèrent des nouvelles.
Bézouiche, maintenant jeune homme de vingt ans, venait d’être démobilisé. Il venait d'accomplir son devoir pour la libération de son pays. Il a eu l’immense privilège, un privilège jamais plus itératif espère-t-il, de hisser le drapeau de son pays libéré sur la ville de Bou-Saâda.
Il venait d’arracher sa propre libération, la feuille de démobilisation dans la poche.
Slimane peu bavard, venait de nulle part. Il prit par la main le démobilisé, paternellement, et se dirigea avec lui vers le N°4 de l’Avenue Pasteur.
Chemin faisant, il distilla parcimonieusement ses mots, en disant à Bézouiche que le correspondant à Alger du ‘New-York Times’ l’avait invité à New-York pour écrire un livre sur le Commando de la Base de l’Est, le Commando de Souk-Ahras, le Commando de Slimane l’Assaut.
-Bézouiche ! Toi tu parles Anglais et tu as bonne mémoire. Tu vas lui raconter les ‘Aventures’ du Commando.
Après quelques moments de réflexion, le nez en l'air comme toujours, il ajouta :
-Est-ce que tu as conservé la photo du Commando. Celle que je t’ai donnée en 1958 ?
-Oui Slimane. Elle est un peu défraîchie par les vicissitudes de la guerre, par mes propres vicissitudes, mais elle est en bon état. Elle se trouve avec d'autres photos chez Mouima, ma mère. Ta propre écriture et ta signature au verso de la photo, ainsi que la date sont toujours lisibles. J’ai rafistolé les écornures avec du scotch, mais elle est toujours en bon état, je crois. Répondit Bézouiche.

Arrivé au N°4 de l'Avenue Pasteur, Slimane présenta le jeune homme à un journaliste US très accueillant et très attentif. Correspondant permanent du New York Times à Alger, le journaliste, en professionnel, était préocupé avant tout par l'actualité internationale. L'indépendance de l'Algérie tenait tout naturellement la vedette de cette actualité, dans l'Amérique du Président de J.F. Kennedy.
Bézouiche également n’avait pas encore ‘digéré’ les évènements de ‘sa’ Guerre de Libération, occupé qu’il était à vivre dans l'euphorie l’Indépendance de son pays. Son indépendance. Sa liberté. Sa libération. Sa jeunesse retrouvée.
Une foule de projets se bousculaient dans sa tête. Alors que des malins squattaient en toutes impunité par effraction des commerces sur les grands boulevards et de somptueuses villas sur les hauteurs, il était, lui, préoccupé d'abord à vivre son présent, le vivre intensément afin de rattrapper les années de son adolescence. Ensuite il pensait à préparer son avenir. Un avenir plein de promesses et de joie de vivre. Son passé ? Il aura toute la vie pour y revenir.
Pour l’instant, Bézouiche portait son regard droit devant.
Il prit poliment les coordonnées du journaliste, fit de vagues promesses à Slimane et prit la poudre d'escampette. Il s’esquiva en direction des larges horizons que son avenir lui faisait miroiter.
Promesses tenues ! Foi de Bézouiche !
Quarante ans, plus tard…

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Avertissement

Toute ressemblance avec des faits ou des personnages vivants ou ayant vécu est le pur fruit de la vérité vraie.

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