20 novembre 2008

Entretien avec Abdelmadjid Maâlem (Le Citoyen)

Entretien avec Abdelmadjid Maâlem.

Le Citoyen : Pourquoi ces livres et maintenant le tome 3 ?

Abdelmadjid Maâlem : Par le plus heureux des hasards, l’accomplissement de mon de voir de mémoire coïncide avec la célébration du 50ème anniversaire du 1er Novembre 1954. Je pensais que la chose me prendrait peu de temps et peu de pages. Loin s’en fallait, car mes témoignages sur les années de gloire de l’Algérie combattante, ainsi que sur mes aînés que j’ai appelé ‘Jil Errabahine’, la génération des gagneurs, m’ont pris quatre années et quelque 1.200 pages. Lorsqu’on s’exprime avec son cœur et lorsqu’on porte encore dans sa chair les dures réalités du combat, on n’a pas besoin d’être écrivain ou historien pour témoigner. Des témoignages d’autant plus faciles qu’ils sont inspirés par le devoir de mémoire d’un combattant dont les meilleures écoles auront été, en tout bout de compte, celles de l’A.L.N et du M.A.L.G.
Le tome 3, intitulé ‘Bézouiche M.A.L.G.Ache’ est justement consacré au M.A.L.G, cette école qui fut la mienne depuis la proclamation du G.P.R.A en Septembre 1958, jusqu’à la proclamation de l’Indépendance. Une école qui avait pour maître Si Mabrouk (le Colonel Abdelhafid Boussouf). Ce dernier ouvrage paraîtra très prochainement avec une préface magistrale par laquelle Son Excellence, le Moudjahid Abdelaziz Bouteflika, Président de la République, a bien voulu délivrer un message de bienveillance et d’espoir à la jeunesse d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Ce qui constitue pour mon devoir de mémoire la consécration suprême.

Le Citoyen : Que veut dire Bézouiche ?

Abdelmadjid Maâlem : Ce sont mes compagnons d’armes de la Base de l’Est qui m’ont collé ce sobriquet, en raison de mon jeune âge. Lorsque j’ai rejoint les rangs de l’A.L.N, le 11 Novembre 1956, l’avais à peine 14 ans et 3 mois. J’ai eu la chance et l’honneur d’avoir été exceptionnellement recruté à cet âge-là, car l’A.L.N n’acceptait pas n’importe qui, encore moins les gosses de mon âge. Elle ne donnait pas des enfants aux canons, ni des canons aux enfants, comme le dit si opportunément Jacques Prévert dans ses ‘Paroles’. En fait, Bézouiche n’était pas un enfant dans les rangs de l’A.L.N. Il était tout simplement le plus petit des ‘Grands’, ces géants de l’Histoire.

Le Citoyen : Vous êtes un Chaoui de Tébessa...
Abdelmadjid Maâlem : En fait, je suis un pur produit de la tribu des Aurès-Nementchas. Un Lamouchi, en d’autres termes. J’ai eu la chance de voir le jour à Tébessa l’Algérienne, Theveste la Romaine, Tibest la Numide. Même si ma naissance coïncide avec l’Année du typhus (1942), je suis né coiffé (avec mon ‘sitr’). C’est dire que j’ai eu beaucoup de chance dans ma vie. La chance de combattre pour la libération de mon pays. La chance inouïe et l’honneur jamais plus itératif (je l’espère !) de lever le drapeau de l’Algérie libérée sur la ville de Bou-Saâda, le 5 Juillet 1962. Une ville qui avait accueilli le combattant Bézouiche, comme elle avait accueilli Etienne Dinet et les autres…
Ensuite la chance et l’honneur d’accomplir mon devoir au service de mon pays souverain. Enfin, la chance d’accomplir mon devoir de mémoire, sans afficher de gloriole, ni de rancœur, encore moins de rancune envers qui que ce soit. Car à mon humble avis, lorsqu’on est vainqueur d’une cause juste, comme celle de ‘Jil-Errabahine’, on doit en quelque sorte respecter le vaincu. Mais cela ne doit en aucun cas dédouaner devant l’Histoire le système que nous avons abattu. Lorsque je regarde les remparts et les vestiges archéologiques de ma ville natale, Tébessa, avec leur charge d’Histoire millénaire, une occupation coloniale de 132 ans me semble une parenthèse somme toute ridiculement courte, mais non moins instructive. Car c’est un peu grace à l’école française qui lui a enseigné la devise « Liberté, Egalité, Fraternité’» que Bézouiche a rejoint le maquis pour conquérir d’abord sa propre liberté et celle de son pays. Tébessa, où je suis né dans le quartier de la Médersa. La médersa du martyr Chikh Larbi Djadri, où j’avais fait mes premières classes également. Tébessa des martyrs, comme Chérif Hachichi, Salah Lyazidi… Ou bien comme Abdelwahab Zarroug, Chébira Amor, Aïssaoui Rachid, qui furent mes très proches compagnons d’armes au M.A.L.G et sur lesquels je témoigne. Et tant d’autres.

Le Citoyen : Cette trilogie est rédigée en hommage à vos compagnons d’armes, mais encore ?

Abdelmadjid Maâlem : Rien de plus. Sinon que, mon devoir de mémoire accompli, je demeure toujours à l’entière disposition de mon pays. Je ne pense pas encore pouvoir témoigner sur les 40 ans de ma carrière diplomatique. J’estime que le moment n’est pas encore venu. Pour cela, j’ai besoin du recul nécessaire et de cette sagesse que seul l’âge avancé procure aux heureux élus !

Entretien réalisé par A. Toualbia

Aucun commentaire: