20 novembre 2008

Préface

Préface

En refermant le troisième tome des ‘‘Témoignages’’ de Abdelmadjid Maâlem, intitulé Bézouiche M.A.L.Gache, un sentiment de bien-être m’envahit, fait de vigilance actionnelle pour le présent de notre nation et de confiance souriante pour son avenir fondée sur le rappel ému mais lucide, admiratif mais empreint de raison critique, du formidable bouleversement positif qu’a été pour notre société dans son ensemble, quels qu’aient pu être les sacrifices consentis et les souffrances endurées, notre guerre d’indépendance nationale. Cet ouvrage témoigne du fantastique redéploiement des énergies créatrices de notre peuple induit par sa lutte de libération nationale pour trancher le nœud gordien de l’une des dominations coloniales parmi les plus longues, les plus brutales et les plus décivilisatrices que l’humanité contemporaine ait connue pour renaître à la liberté collective et personnelle sous la forme nationale, se recentrer dans ses aires civilisationnelles et participer de manière volontaire et expansive au temps de la mondialité en acte, à la temporalité contrastée et toujours en mouvement de l’aventure humaine.
Les trois tomes des ‘’Témoignages’’ de Bézouiche sur l’Armée de Libération Nationale dans laquelle l’auteur a servi de 1956 jusqu’à la victoire finale méritent d’être lus par les lectrices et lecteurs d’aujourd’hui, jeunes et moins jeunes, mais surtout les plus jeunes parce qu’ils communiquent ce sentiment de bien-être national, ce souffle puissant de l’exaltante, complexe et difficile aventure partiellement réversible et à jamais inachevée de la liberté humaine qui a transformé notre peuple dominé et dévitalisé en nation impétueuse et disciplinée, en acteur de sa propre histoire et de l’histoire mondiale même si à certains moments, après la victoire décisive, ce souffle s’est dispersé et affaibli, faisant courir le risque à notre nation de voir à nouveau se refermer sur elle les parenthèses de l’histoire.
Le surtitre des ‘’Témoignages’’ de Bézouiche : Armée de Libération Nationale, ne doit pas induire le lecteur potentiel en erreur. Bien sûr Bézouiche a combattu l’armée coloniale française les armes à la main.
A quatorze ans, affecté à la Base de l’Est, il intègre le commando de ‘’Slimane l’assaut’’, ravitaille la wilaya 3 en suivant la ‘Piste Amirouche’ et participe à la bataille de Kef-Errakhma où il est grièvement blessé. Le troisième tome de ses ‘’Témoignages’’ se fait l’écho de ces faits d’arme sur le ton de la légitime fierté mais sans emphase.
L’immense intérêt de ce troisième tome est cependant ailleurs. Il est d’introduire le lecteur dans un espace encore peu connu par le grand public quoique déjà partiellement exploré et balisé par des récits et des travaux historiques, celui de l’organisation techno-scientifique de la guerre d’indépendance nationale sans lequel la victoire frontale contre l’armée de reconquête coloniale serait restée aléatoire malgré le courage héroïque de nos moudjahidine, sans lequel la conquête de l’indépendance elle-même, aussi spectaculaire et brillante fût elle, aurait pu être terriblement superficielle ou périlleuse comme le montre l’histoire effective de nombreux processus de décolonisation. L’ALN fut, mais ne fut pas seulement, l’expression armée de la contre violence de notre peuple. Notre guerre d’indépendance nationale fut menée certes par des femmes et des hommes au cœur battant, au tir rapide et précis, mais aussi aux neurones éveillés, unifiant les combattants et le peuple avec les ressources de la mobilisation politique nationale, mais aussi avec celles d’un apprentissage méthodique, volontariste, intensif des techno sciences. Le lecteur d’aujourd’hui doit savoir qu’en sept ans de guerre, l’Algérie combattante a formé dans ses Centres, en comptant d’abord sur ses propres forces, un nombre incommensurablement plus élevé de techniciens, de spécialistes et de gestionnaires que la France coloniale n’en a formé pendant 132 ans.
C’est une partie de cet espace studieux, discret où le Ministère de l’Armement et des Liaisons Générales (MALG) forge de manière très « cartésienne » sa principale force de frappe, l’intelligence algérienne, que nous invite à pénétrer Abdelmadjid Maâlem. Je laisse au lecteur le plaisir d’entrer dans cet univers avec Bézouiche pour guide. Ce « gosse » de Tébessa qui a quitté l’école en classe de 5ème pour participer à la libération de son pays au même titre que les adultes de sa famille, et qui apprendra à résoudre les équations du second degré avant ses anciens condisciples, et beaucoup d’autres choses…
Ces quelques lignes, je les ai écrites pour rendre hommage à tous les Bézouiche de notre peuple, passés, actuels et à venir, disciplinés, parfois rebelles et toujours malicieux, fiers de leur pays et curieux du monde.
Je les ai écrites aussi en hommage à mes compagnons de lutte du MALG avec lesquels j’ai en partage la conviction têtue que la modernisation méthodique de notre pays est indissociable de son épanouissement national et de son inscription dynamique dans un monde multipolaire.
Je les ai écrites enfin en hommage au génie de notre nation, capable hier comme demain d’étonner le monde et de contribuer à l’humaniser dès lors qu’elle fonctionne à plein régime au rythme de son pluralisme centripète et de son unité différentielle dont les ‘’Témoignages’’ de Bézouiche sont un bon exemple, rafraîchissant et attendrissant à la fois, mais surtout roboratif et stimulant.

Abdelaziz Bouteflika

Aucun commentaire: