20 novembre 2008

XIième S.I.L.A - Café Littéraire - Mercredi 1er Novembre 2006

XIième S.I.L.A - Café Littéraire :
Mercredi 1er Novembre 2006 de 14h00 à 16h30.

Intervention de Abdelmadjid Maâlem :

Mesdames, Messieurs, chers frères,
En cette journée historique, je voudrais tout d’abord adresser mes vœux et remercier S.E le Moudjahid Abdelaziz Bouteflika, Président de la République, qui a bien voulu introduire le Tome 3 des ‘Témoignages de Bézouiche’ d’une préface magistrale. Une préface qui délivre un message de bienveillance et d’espoir à la jeunesse d’aujourd’hui et celle de demain.
Je voudrais ensuite préciser que par mes témoignages sur les années de gloire de l’Algérie combattante, j’ai voulu rendre hommage à mes aînés, à mes compagnons d’armes tombés au champ d’honneur, décédés ou encore vivants, quelle que soit leur place dans la hiérarchie de l’Algérie combattante et de l’Algérie souveraine.
Des héros qui ont jalonnés l’épopée de Novembre. Qui ont balisé également mon parcours de très jeune combattant de l’A.L.N. Peut-être à contresens des usages, mais en raison justement de mon âge, l’âge d’un adolescent, je me sens aujourd’hui un petit peu leur thuriféraire.
J’ai donc privilégié le culte des héros. Etant optimiste par nature, je suis tout naturellement opposé à la culture du posthume.
Je voudrais également souligner que par le plus pur des hasards, la publication de mes témoignages a coïncidé bien heureusement avec la célébration du cinquantenaire du 1er Novembre 54. Quant au combattant ‘Bézouiche’, il célébrera le 11 Novembre prochain, le 50e anniversaire de son recrutement dans les rangs de l’A.L.N.

La Langue :
Pourquoi j’ai témoigné dans la langue de Molière, même si je suis avant tout un pur produit de la Médersa de Chikh El-Arbi de Tébessa ?
J’ai décidé d’écrire en Français, car j’ai quitté le collège de Tébessa, ma ville natale, en emportant avec moi au maquis, comme arme, les maigres mais précieux bagages scolaires de ma classe de cinquième. Ce fameux butin de guerre revendiqué par Kateb Yacine.
Par mon parcours de combattant de l’A.L.N, cette arme s’est avérée d’une redoutable efficacité. Et j’ai voulu le faire savoir au lecteur d’ici et d’ailleurs.
Quoi qu’il en soit, la trilogie de mes témoignages est en cours de traduction en Langue Nationale, grâce au précieux concours du Ministère des Moudjahidine et celui non moins louable de mon éditeur, l’A.N.E.P.
A ce propos, j’invite le lecteur et j’incite mes compagnons d’armes, cités ou non dans mon récit, de bien vouloir porter leurs observations et leurs précisions sur mon site Internet.http://abdelmadjid-maalem.blogspot.com

Le fond et la forme :
J’ai abordé l’écriture de mes témoignages par devoir de mémoire. Avec enthousiasme et détermination, mais sans prétention littéraire, même si j’avais souvent à l’esprit Jean-Jacques Rousseau, Marcel Pagnol, Ernest Hemingway et d’autres.
Je crois que j’ai bien fait de signaler au lecteur que je n’avais pas l’honneur d’appartenir à la race des chevaliers de la plume. Que je ne faisais que pianoter sur mon ordinateur. Un camarade d’enfance, issu de l’école de Chikh El-Arbi de Tébessa, ne s’est pas empêché pourtant de ma ranger bien vite dans la catégorie de ‘Ahl El Kitaba’…
Quoi qu’il en soit, j’ai abordé mon entreprise en solo, sans approche intellectuelle ou politicienne préalables, mais avec le regard d’un combattant. J’allais dire le regard d’un battant.
Je l’ai abordé avec quelques idées simples pour ce qui est de la forme d’abord, du fond ensuite. Dans tous les cas je l’ai abordé ‘à fond la forme’ !

La forme :
Pour ce qui est de la forme, d’abord et surtout, j’ai résolument opté pour le récit simple, attractif, attrayant, afin de sortir des sentiers battus, de bannir la langue de bois et les idées reçues, de barrer la route au style dithyrambique et au discours ex cathedra.
J’ai opté pour un style que j’ai voulu abordable, à la portée du plus grand nombre. Un style détendu, communicatif, agréable à la lecture. Un style où la frilosité et la sinistrose n’ont pas de place.
Bref, un style qui vient du cœur et qui colle aux méthodes modernes de communication.
J’ai scindé le récit en trois volumes, afin de ne pas lasser la patience du lecteur avec un ouvrage de 1.200 pages, d’une part. La chronologie évènementielle imposait d’autre part ce choix. Enfin, le parcours d’un combattant de l’A.L.N, devenu agent des Transmissions, puis agent du M.A.L.G, justifie cette hiérarchie.
C’est pourquoi, le Tome I, qui couvre la période allant de Juillet 1955 à Août 1957, est intitulé ‘Commando de la Base de l’Est’.
Le Tome II, quant à lui, couvre la période allant de Septembre 1957 à Septembre 1958, date de la formation du G.P.R.A. Il est intitulé :
‘Les Transmissions de la Base de l’Est’.
Le Tome III, enfin, couvre la période allant de Septembre 1958 à l’Indépendance. Il est intitulé ‘Bézouiche M.A.L.Gache’.
La hiérarchie des trois titres reflète les réalités du terrain vécues par l’auteur. De plus, le parcours et les convictions de ‘Bézouiche’ font ressortir que pour activer au sein du M.A.L.G, il fallait d’abord faire le coup de feu et faire ses preuves.
Ma préoccupation principale est aussi de livrer aux lecteurs du XXI° Siècle les témoignages de celui qui n’a fait que son devoir que d’avoir combattu pour la libération de son pays.
De livrer des témoignages dépouillés de toute empreinte idéologique ou conjoncturelle. J’ai volontairement émaillé mon récit de digressions opportunes, de navettes spatio-temporelles furtives, afin de plonger brièvement le lecteur dans l’enfance de l’auteur ou le ramener à son époque, pour évoquer ici et là des thèmes aussi divers qu’intéressants.

Le fond :
Je précise que le titre original de la trilogie est :
« Armée de Libération Nationale : Les Témoignages de Bézouiche ».
Car je me suis strictement limité à ma qualité de combattant de l’A.L.N, sans jamais verser dans la polémique politico historique…
J’ai livré des témoignages authentiques, sur les hommes que j’ai côtoyé et sur des évènements que j’ai vécus sur le terrain, ‘par le bas’.
Par ailleurs, lorsqu’on a vécu dans sa chair le combat libérateur, on n’a pas besoin de références historiques. On ne fait pas de recherches bibliographiques. La mémoire et les souvenirs personnels suffisent largement.
Avec l’amour de la patrie dans les veines, avec la conviction absolue de son bon droit, avec la rage de vaincre, le récit est tout naturellement débité de mémoire. Il coule de source, a-t-on dit ! En l’occurrence, l’épouvantail de la page blanche n’a pas eu droit de cité.
‘Bézouiche’ l’auteur, ‘Bézouiche’ le héros du récit, ne s’est toutefois pas empêché de faire montre d’une certaine fierté pour avoir vécu une épopée glorieuse. D’avoir appartenu à une génération qu’il a qualifiée d’autorité, peut-être avec un brin d’orgueil, un soupçon de vanité, mais avec beaucoup de conviction de ‘Jil Errabahine’, la ‘Génération des Gagneurs’. Je dis bien ‘Gagneurs’, car il ne s’agissait pas de deux armées régulières, sur le champ de bataille. Auquel cas, la sémantique exigerait le mot ‘Vainqueur’.
Pour ce qui est de la réalité des faits, je crois que j’ai bien fait d’avertir le lecteur, dès le Tome I, que les évènements et les combattants cités dans mes témoignages sont ‘le fruit de la vérité vraie’. Car hier chez nous, comme aujourd’hui ailleurs, la réalité dépasse souvent la fiction !
J’ai également bien fait d’illustrer mes témoignages de documents personnels, photographiques et autres, miraculeusement conservés jusqu’à nos jours. Sans quoi, par les temps qui courent, mes témoignages auraient été frappés d’incrédulité ou taxés d’affabulations pures de la part d’un gosse de 13 ans qui a investi les rangs de l’Armée de Libération Nationale par effraction.
Les idées maîtresses qui ont jalonné, qui ont plutôt balisé mes témoignages sont les suivantes :

1) C’est l’école française qui m’a enseigné la devise républicaine ‘Liberté, Egalité, Fraternité’. J’ai donc pris les armes pour libérer mon pays, fort de cette devise. Une devise qui n’est pas négociable et qui n’est donc point une monnaie d’échange (!). Encore moins une monnaie de change.
2) Dans la compréhension du jeune, du très jeune combattant que je fus, le déclenchement du 1er Novembre 1954, a mis entre parenthèse l’action politique du mouvement national pour déclarer la guerre à l’occupant. La primauté de l’A.L.N sur le F.L.N apparaît d’ailleurs clairement dans l’entête des documents personnels que je reproduis dans le Tome II.
3) À l’issue de toute guerre, je crois que le vainqueur n’a pas le droit d’humilier le vaincu. En précisant bien évidemment que le système que nous avons combattu ne doit en aucun cas être dédouané.
4) Le ‘gosse’ que je fus, a péremptoirement affirmé que le Général de Gaulle est finalement sorti gagnant de cette guerre, car il mettait les intérêts suprêmes de son pays au-dessus de toute autre considération.
5) Après le démantèlement des empires coloniaux, l’impertinent ‘Bézouiche’ dira que la France a finalement obtenu son indépendance ! Au regard d’une brûlante actualité, certains disent aujourd’hui qu’elle est déjà colonisée…
6) ‘Bézouiche’ le collégien a tout naturellement rejoint le maquis par le chemin des écoliers !
7) Il a pris le maquis en resquillant dans des trains, afin semble-t-il, de ne pas rater le train de l’Histoire !
8) ‘Bézouiche’ se considère comme étant le plus petit des grands, ces géants de l’Histoire ! Le dernier des premiers ! Mais il refuse d’être ni le plus grand des petits. Ni le premier des derniers, ces retardataires de l’Histoire ! Ces parvenus de la dernière heure ! C’est son parcours qui a déterminé son credo !
9) ‘Bézouiche’ demande enfin l’indulgence du lecteur spécialiste et celle surtout de ses aînés et de ceux qui ont voulu qu’il soit ce qu’il est, pour d’éventuelles entorses politico-historiques dans ses témoignages. Mais il est sûr de bénéficier de circonstances atténuantes. Car, après tout, il s’agit des témoignages d’un gosse !
10) Techniquement, je dois souligner que sans mon ordinateur, je n’aurais jamais pu livrer mes témoignages aussi rapidement et aussi fidèlement. Aussi intensément également. Mes témoignages étant essentiellement et exclusivement le produit de ma mémoire et de mes souvenirs personnels. Des réminiscences fugaces et volatiles, que seul l’ordinateur peut intercepter au vol.
D’ailleurs, les éditeurs d’aujourd’hui préfèrent au manuscrit traditionnel un tapuscrit en bonne et due forme, gravé sur CD-ROM.
Mon ordinateur a donc numérisé ce que ma mémoire a restitué, en transformant, par une entorse au bon sens, le réel en virtuel !
11) Je confesse que je n’ai consulté aucun document historique. Même pas la Déclaration du 1er Novembre ou la Plateforme de la Soummam !
Je n’ai eu recours à aucune bibliographie, même si sur Internet, mes témoignages sont déjà devenus source bibliographique.

Commentaire :
Je voudrais, si vous le permettez, faire un commentaire sur le Tome III. A certains égards et aux yeux de certains lecteurs curieux ou opportunistes, le Tome III concernant le M.A.L.G, pourrait constituer l’essentiel de mes témoignages. Par mon parcours, je considère que le M.A.L.G est l’aboutissement logique de mon itinéraire, mais non l’essentiel. L’essentiel pour moi c’est l’A.L.N, dont je suis fier d’avoir été l’un de ses combattants. Je suis bien naturellement heureux d’avoir survécu à l’épopée de Novembre et pouvoir témoigner aujourd’hui.
Pour activer dans les rangs du M.A.L.G, il fallait d’abord faire ses preuves sur le terrain. C’est ce que j’ai fait au sein du Commando de la Base de l’Est sous les ordres de Slimane l’Assaut, avant de faire l’Acheminement des armes vers la Wilaya 3, le long d’un itinéraire que j’ai baptisé pour l’histoire : ‘Piste Amirouche’. Une piste longue d’environ 800 km aller-retour, qui a demandé trois mois de marche forcée. C’est l’essentiel du Tome I.
Après cela, j’ai été sélectionné pour faire partie du premier noyau des Transmissions de la Base de l’Est, avant de vivre les derniers jours de celle-ci. Avant la disparition du Cdt Ouachria, qui m’a signé le dernier ordre de mission. Avant l’exil de Si Ahmed Draïa et de Si Mohamed-Chérif Messaâdia, affectés au front Sud du Cdt Si Abdelkader El-Mali. Mohamed-Chérif Messaâdia avec lequel j’avais pris la dernière photo souvenir de la Base de l’Est. C’est l’essentiel du Tome II.
Dès la formation du G.P.R.A, le Colonel Abdelhafid Boussouf, notre regretté Si Mabrouk, puisera de la Direction des Transmissions Nationales l’essentiel des premiers agents de ses Services. Ce qui m’a fait écrire que la D.T.N était la fille aînée du M.A.L.G et la fille chérie de Si Mabrouk ! Bref, le Tome III aborde les témoignages sur le M.A.L.G par ‘en bas’, en raison tout naturellement de l’âge de l’auteur.
Cadet en âge, cadet en grade, il a eu cependant la chance inouïe d’exercer dès l’âge de 16 ans et demi dans les centres opérationnels les plus importants de l’Algérie combattante.
Dans ce contexte précis, l’auteur s’est volontairement abstenu de s’étaler sur certains sujets ou certains compagnons d’armes, afin de ne pas commettre d’erreurs d’appréciation et d’induire le lecteur en erreur.
S’il a abordé ses témoignages par le bas, l’auteur a eu l’incommensurable honneur de parvenir, à 20 ans, au sommet de son combat et de planter bien haut le drapeau de la Victoire sur la ville de Bou-Saâda, le 5 Juillet 1962.
Un honneur jamais plus itératif historiquement, j’espère !
Mais l’histoire du M.A.L.G, l’histoire des Services du Colonel Abdelhafid Boussouf, notre regretté Si Mabrouk, reste à écrire. C’est, je présume, ce à quoi l’A.N/M.A.L.G s’attache actuellement d’une manière exhaustive, en vue d’un travail de mémoire complet destiné aux spécialistes.
Les auteurs suivants ont déjà abordé le sujet, sans toutefois l’épuiser :
Permettez moi de citer M’hamed Yousfi, Laroussi Khélifa (Si Abdelhafidh), Brahim Lahrèche (Abdelghani), Hassani Abdelkrim (Si El-Ghaouti), Mansour Rahal (Saïd), Roberto Muniz (Mahmoud), Sénoussi Seddar (Si Moussa), Mustapha Benamar (Khélil), Mohamed Lemkami (Abbès), Si Abdelmadjid Bouzbid. Enfin, Abdelmadjid MAALEM (Bézouiche).
Si les auteurs cités ont évoqué le sujet chacun à sa manière et selon son propre parcours, si ‘Bézouiche’ a fait ce qu’il pouvait pour témoigner ‘par le bas’, l’essentiel du travail véritablement historique incombe à mon avis à ladite association, présidée par notre frère Daho Ould Kablia.

Conclusion :

Aujourd’hui, je considère que ma meilleure école, en tout bout de compte, fut celle de l’A.L.N et du M.A.L.G. C'est-à-dire l’école de l’authenticité !
La jeunesse d’aujourd’hui s’imagine que les combattants de l’Épopée de Novembre étaient des surhommes, des géants de l’histoire, qu’aucune autre génération ne pourra égaler. Une génération que j’ai d’ailleurs moi-même légitimement appelée dans mes témoignages ‘Jil-Errabahine’. Mon message est aujourd’hui légèrement différent, dans la mesure où le combat pour l’indépendance nationale, qui a permis à notre drapeau de flotter et à notre pays de retrouver sa place dans le concert des nations, apparaît aujourd’hui bien moindre aux côtés d’autres combats en vue d’une véritable libération et d’une véritable liberté, dans le contexte d’une mondialisation de tous les dangers, mais aussi celle de tous les espoirs.
Des combats que les générations du 21e Siècle, indiscutablement mieux armées pour cette compétition planétaire, pourront sûrement mener à bien, afin que notre belle Algérie, géographiquement située aux bords de mare nostrum, c'est-à-dire aux premières loges des civilisations méditerranéennes, puisse émerger et retrouver, dans l’enthousiasme et la joie de vivre, sa place au soleil.

Enfin, je voudrais exprimer mes remerciements à mes compagnons d’armes et aux éminentes personnalités qui ont bien voulu m’adresser leurs félicitations et leurs encouragements pour mon travail de mémoire.
Je ne termine pas sans renouveler mes remerciements et exprimer toute ma reconnaissance à S.E le Moudjahid Abdelaziz Bouteflika, Président de la République, qui a bien voulu honorer, j’allais dire valider, mon devoir de mémoire d’une préface historique.
Le texte intégral de la préface est à votre disposition.
Je vous remercie.

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